Sur un navire, la règle impose au capitaine de tenir un journal de bord. Le Grog ne fait pas exception et, au cours de ses maintes années d'existence, pas une semaine n'a débuté sans qu'une entrée soit ajoutée au journal. Pas par le capitaine, il n'y en a pas à bord du Grog, mais par l'un des administrateurs, de quart à ce moment là. Tranches de vie d'un site web...
Hebdo du lundi 27 octobre 2014« Que l'alcool coule à flot et que les filles soient nues ! ». Voilà l'ordre explicite que le narcotrafiquant avait donné à ceux qui étaient chargés de lui organiser sa virée sur la côte. Nul n'osait s'opposer à lui, et l'on ne discutait qu'à voix basse et derrière des portes closes du destin de ceux qui avaient pris le risque de lui déplaire. Ses lieutenants étaient là, déférents voire veules devant le chef, et cassants avec les sous-fifres. Cet homme est un porc, pensait, non sans une certaine contradiction dans les termes, le barman. Discret et efficace derrière son comptoir, il mixait les cocktails les plus divers et surtout les plus alcoolisés pour le boss et ses invités. Sa position de subalterne le rendait ici socialement invisible, et cela lui convenait fort bien. De toute façon, la soirée serait rentable pour lui : plus le degré d'alcoolémie des participants augmentait, plus les pourboires devenaient extravagants. Les ivrognes essayaient de se surpasser mutuellement dans la générosité, car c'était la fête et il ne fallait pas laisser les autres vous faire passer pour un gagne-petit, surtout quand le boss pouvait le remarquer. Un orchestre de mariachis interprétait les derniers corridos célébrant les exploits et la générosité envers le peuple des groupes de narcos, et bien entendu surtout de ce groupe, à la rigueur de ses alliés. Certaines de ces ballades avaient même été écrites pour l'occasion. Et le barman, toujours imperturbable et efficace, continuait à servir à chacun sa boisson favorite. Sa mémoire prodigieuse lui permettait de connaître exactement les goûts de chacun, et donc de servir sans erreur ces dangereux clients. Elle lui permettait aussi de retenir toutes les conversations intéressantes et d'en faire une excellente synthèse aux responsables de l'unité antidrogue de la police, mais ça c'était le grand secret, celui auquel il ne fallait même pas penser en présence des mafieux. Et justement, ce soir, des opérations de haut vol se préparaient. Une expédition de cocaïne vers les pays scandinaves portait le nom de code Yggdrasill. La rénovation d'un laboratoire de raffinage de la morphine-base pour en faire une chaîne automatisée de production était étiquetée Metamorphosis Alpha. Une opération d'intimidation de la presse répondait au doux nom de Soldiers of Pen and Ink, pendant qu'une activité annexe de pillage des sites archéologique était baptisée Trésors du Dernier Millénaire. Enfin la disparition, des dossiers les plus gênants des archives de la justice devait permettre de faire oublier les chroniques de la vie du cartel que représentaient les innombrables procédures judiciaires en cours, ce qui mettrait à l'abri le conseil supérieur de l'organisation, son cercle central, aussi dénommé le septième cercle. Voilà des informations des plus précieuses pour la police anti-drogue, pensa tranquillement le barman. Car personne ne se méfie du barman. (1078 jeux, 11060 ouvrages, 23 systèmes, 14685 critiques, 462 jeux amateurs, 1000 éditeurs, 2026 bios, 4266 utilisateurs) |