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Un Grog, ça coule comme de l'eau de source

Maraudeur 2107

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Références

  • Gamme : Maraudeur 2107
  • Version : première édition, deuxième impression
  • Type d'ouvrage : Livre de base
  • Editeur : Maelstrom Hobby
  • Langue : anglais
  • Date de publication : janvier 1994
  • EAN/ISBN : Pas d'ISBN ou non saisi
  • Support : Papier
  • Disponibilité : Paru

Contributeurs

Contenu de l'ouvrage

Matériel

Livre à couverture souple de 128 pages.

Description

Après une page de garde, une d'introduction, les crédits et 3 pages de table des matières, Historical Perspective (4 pages) brosse un résumé de la série de catastrophes qui se sont abattues sur les nations du monde au début du XXIe siècle. La Russie envahit l'Europe, le Proche-Orient est vitrifié, l'Australie est coupée du monde depuis que des recherches sur l'ADN y ont mal tournées. De leur côté, les USA doivent faire face à une crise agricole sans précédent, tandis que le Japon est secoué par des tremblements de terre, etc. Aucun continent n'est épargné.

Dans la continuité, Background (14 pages) se concentre sur l'archipel du Japon, le principal cadre du jeu. Le chapitre alterne résumé historique et description des particularités de l'île. CityState Pacifica est le dernier vestige de l'ancienne civilisation, menacée par les gangs nomades et les Breeders.

Character Generation (26 pages) est consacré à la création des personnages, qui se déroule en quatre étapes : détermination des caractéristiques, choix des compétences, achat du matériel, achat des implants cybernétiques. La création d'un personnage utilise des points
de création (CP) à dépenser ; ces CP servent aussi de points
d'expérience gagnés en jouant (1 CP par huit heures de jeu) et en
réussissant des missions. L'essentiel du chapitre consiste en la
description des 87 compétences, présentées par ordre alphabétique.

Ensuite, Equipment (16 pages) et Cybernetics (12 pages) sont un catalogue de matériels et d'améliorations cybernétiques, principalement constitués d'armes, de protection et d'équipement de combat (kit de survie, premiers secours, GPS, etc.). Ainsi, la plupart des implants cybernétiques ont trois variantes : civil, combat, police (par ordre croissant de prix et d'efficacité/qualité).

Game System (28 pages) décrit le système de combat. Celui-ci se déroule en segments de 3/20e de seconde, un personnage mettant plus ou moins de temps à agir en fonction de son score en Agilité. Très détaillé, le système prend en compte le recul des armes, de nombreux facteurs de tir, des règles spécifiques aux véhicules, la localisation des blessures, etc.

Game Mastering (4 pages) rassemble quelques conseils pour le meneur de jeu, mais compte surtout sur les sources d'inspiration (dessins animés et mangas) pour les idées d'aventure.

Sniper (Introductory Scenario) est un scénario d'introduction de 10 pages dans lequel les joueurs incarnent des agents de police sans grade qui croisent la route d'un complot visant à assassiner l'Administrateur de Citystate Pacifica. Malgré l'intervention rapide de forces d'élites qui les dépassent hiérarchiquement et militairement, ils participeront néanmoins à l'enquête avant de retourner à leur routine quotidienne.

Cette fiche a été rédigée le 18 janvier 2016.  Dernière mise à jour le 21 mars 2016.

Critiques

Turiya  

Comme malheureusement bien trop fréquemment dans ce type d'ouvrage, nous commençons par une présentation du contexte. À défaut de savoir de quoi parle le jeu, au moins saurons-nous dans quel monde il se déroule. Bonne surprise, il n'y a que quatre pages. Mauvaise surprise, c'est pénible comme pas possible. À ce compte-là, c'est mourir qui est un luxe. En bref, la Russie envahit l'Europe ou un truc comme ça, le proche orient est vitrifié, l'Australie est coupée du monde pour cause d'OGM qui est sorti du laboratoire sans prévenir, les USA ont du mal avec leur agriculture, les Nations Unies s'effondrent, le Japon est secoué par des tremblements de terre, les américains du sud tombent sous la coupe des cartels (tout ceci déborde d'originalité), il n'y a que l'Afrique, dont tout le monde se désintéresse (moi qui croyait qu'il y avait là des matières premières à piller, mais bon, nous ne sommes pas là pour subir un cours de géopolitique), qui se satisfait de sa situation (on ne rigole pas, SVP). Avant de se faire envahir, les français ont aussi eu l'occasion de faire joujou avec des armes bactériologiques qui leur sont retombées sur la figure (un million de morts, bien fait pour les bouffeurs de grenouilles). Enfin, quelques bombes nucléaires explosent de par le monde, y compris à Washington, faisant 281 000 morts et 629 000 blessés (sans doute des chiffres destinés à frapper l'imagination du lecteur, malgré leur ridicule; mais bon, nous ne sommes pas là pour subir un cours de physique nucléaire non plus). On oubliera de toutes façons aussi les retombées politiques comme radioactives de ce type d'incident (du moins, il n'en sera plus question dans l'horrible centaine de pages qui suit). Tout ça, j'imagine, il faut le prendre comme du décor, de l'ambiance. Le monde est fucked up, tu comprends, cher lecteur. Bien, j'ai compris, vous avez compris : profitez des JDR de qualité tant qu'il est temps, dans l'avenir, ça va pas être possible.

Ah. L'arnaque.

Derrière ces quatre pages de History, ne voilà-t-il pas que je découvre… 14 pages de Background ! C'est un piège. Le background, donc, c'est l'histoire du Japon du futur, en plus détaillé, pour notre plus grand malheur. Marauder 2107, ça se passe au Japon, en 2107. Le Japon reçoit donc lui aussi son lot de bombes nucléaires. En fait, c'est parce que la Russie s'est mise en tête d'envahir la Chine, laquelle a répondu en lançant ses ogives, et que l'Amérique du Sud s'est attaquée à celle du Nord, laquelle avait un plan nommé Scorched Earth consistant à éradiquer la vie humaine sur le globe (pour se défendre ? ne cherchez pas, c'est de l'anticipation, on comprendra quand ça nous arrivera; on n'est pas là pour subir un cours de stratégie militaire non plus). Du moins, c'est ce que j'ai cru deviner. Je vous assure, c'est dur à suivre.

Oublions donc encore une fois ces détails inutiles, car nous voici au cœur du sujet : en fait, le gouvernement japonais avait, en 2000, tranquillement décidé de consacrer 3% de son PNB à constuire une arcologie réservée à 41000 méritants. C'est beau, la méritocratie. Ce magnifique complexe est resté isolé, protégé sous un dôme durant presque un siècle, avec ses ingénieurs compétents, son intelligence artificielle dirigeante, et sa population nageant dans le bonheur et la cybernétique sympathique. Quelques complots anarcho-terroristes sont à déplorer, mais la bienveillance des forces de sécurité cybernétiques a su, à chaque fois, ramener l'ordre là où il fallait, et à qui de droit.

Bien sûr, si vous avez, comme moi, pensé à Paranoia, le JDR, c'est raté. Ils ne sont ni européens, ni mutants, ni communistes, ils sont simplement japonais et heureux de vivre dans un monde harmonieux, et l'ordinateur n'est pas fou (il est juste japonais et bienveillant).

Bref, vingt pages de considérations bancales pour en arriver là : on va jouer dans l'univers d'Appleseed. D'un côté, des flics surarmés mais sympas et cool (parce que les armures de combat, c'est cool, et les jeunes filles en combinaison moulante aussi), de l'autre, des terroristes pas d'accord mais on ne sait pas pourquoi à l'intérieur du Complexe, des gangs et le bazar à l'extérieur du Complexe.

Pour faire bonne mesure, n'oublions pas les Breeders. Non, je ne parle pas du groupe rock féminin, mais de lézards génétiquements modifiés pour faire des soldats d'élite. Oui, ça manquait à ce décor grandiose et original. Oui, c'était un programme secret de l'armée japonaise, à qui les catastrophes australiennes et françaises n'ont pas servi de leçon, mais bon, ce sont des japonais, et des militaires, d'aucuns ont certainement oublié de leur en parler. De toutes façons, leur programme secret a raté, les samuraïs sauriens refusent d'obéir aux ordres et ont tendance à dévorer sans autorisation les êtres humains, sans doute sous prétexte qu'ils s'estiment supérieurs (en même temps, comme je vous le faisais remarquer, ils ont affaire à des militaires japonais), ou peut-être, tout simplement a-t-on oublié le budget pour les nourrir. Comme tout programme secret, dangereux et raté, on s'est bien gardé de tout détruire ; non, bien sûr, tout a été soigneusement conservé pour péter à la figure lors du prochain tsunami… et c'est ce qui est arrivé. Ne me demandez pas vraiment la logique derrière tout ça ; après tout, les choses se déroulent ainsi dans tous les films d'anticipation futuriste, pourquoi s'en priver dans un JDR ? Donc, en plus des bombes nucléaires, des gentils Yakuzas et du reste du monde, les japonais se battent contre des sauriens mutants supérieurs à l'homme de tout point de vue (sauf pour ce qui est du processus de reproduction, nettement moins plaisant que chez l'homme ; plusieurs paragraphes sont consacrés à la description des différentes étapes du cycle de vie des œufs de ces bestioles, leur transplantation d'un cadavre à l'autre, etc. Du passionnant et de l'utilité foudroyante pour vos futures palpitantes aventures, comme vous pouvez l'imaginer).

Voilà, c'est (enfin) tout pour le décor. L'envie de jouer vous démange le fondement, j'imagine. Jouer quoi, au fait ?

Heureusement, Maelstrom Hobby y a finalement pensé, à répondre à cette question. Du moins, on l'espère en abordant le chapitre Character Creation. Comme nous l'explique l'avant-propos de ce chapitre, créer un personnage est un préalable à toute partie de JDR, qu'il s'agisse « d'un paumé qui tente tant bien que mal de survivre ou d'un policier d'élite de la force d'intervention du Complexe, la TAD ». Je ne sais pas pour vous, mais moi, quand je lis ça, je me dis que l'auteur pense très fortement à la seconde option, et pas du tout à la première.

Passons rapidement sur cette section soporiphiquifiante, exclusivement technique. Les illustrations ne présentant que des personnages en train de se battre, de tirer ou de tuer, ou des armes surdimensionnées (pour varier). Il n'y a rien ici pour vous aider à choisir vos compétences dans une liste aussi érotique que celle de GURPS ou Rolemaster. Vingt-cinq pages de description laborieuses comme vous en avez presque aussi sûrement que moi, et pour votre plus grand malheur, croisées plusieurs fois : « Acrobatie : cette compétence sert à faire des acrobaties bla bla bla ».

Un jeu qui consacre plus de pages à l'équipement, cybernétique ou pas, qu'à la création de personnage, c'est un signe qui ne trompe pas. Si vous n'aviez pas compris, la cybernétique, c'est remplacer le vivant et le naturel par des trucs plus cools et plus efficaces, en métal. Et dans ce monde de rêve, tout équipement marqué « police » est encore plus cool et efficace que celui qui est marqué « civil ». J'avoue ne pas avoir regardé de près, mais je n'ai pas remarqué que les auteurs se soient encombrés de considérations rétrogrades sur les effets délétères que pourrait avoir le remplacement systématique des organes naturels que la nature a mis des millions d'années à produire par des appendices sans garantie constructeur dont la finalité exclusive est de tuer autrui plus efficacement avant de tomber en panne. Bref, ici, point de règle d'humanité ou d'essence. Plus de truc à charcuter, plus de blindage, c'est plus mieux, sans inconvénient, c'est tout.

Nous voilà rendus à la page 80 (sur 128), le temps est venu de découvrir la charcuterie, justement. Car, même s'il est intitulé Game System, ce chapitre de 28 pages ne traite quasiment que de combat (peut-être faut-il comprendre le mot game au sens de « gibier » ?). Sachant que celui-ci se déroule par phases de 3/20e de secondes (plus c'est long, plus c'est bon), un personnage ayant une Agilité de 8 et tirant en mode automatique à raison de 3 balles par phase avec son Monolith Ares en courant vers sa cible située à 12 mètres de lui…

…videra son chargeur avant d'arriver au contact ?

…arrivera au contact avant d'avoir vidé son chargeur ?

…sera obligé d'arrêter de tirer avant d'avoir vidé son chargeur en raison du facteur de recul de son arme ?

Si vous avez bien lu ce chapitre, vous serez en mesure de répondre à cette fascinante question. Tant que vous y êtes, calculez les malus encourus par chaque tir, sachant que l'on négligera l'encombrement et la cybernétique, la visibilité et tous les combat factors énumérés dans le chapitre. Il y a bien sûr des règles pour les combats en armure Maraudeur, et entre véhicules.

Vous aussi, vous rêvez désormais de plonger dans cet univers (oui, rappelez-vous, les 20 premières pages) avec votre héros de la police d'élite fraîchement sorti de Cyberlouetout (oui, rappelez-vous, les 40 pages suivantes). Alors, même si 2 pages sont là pour vous expliquer que le moindre épisode d'une série d'animation japonaise dans laquelle il y a des robots suffira à démarrer votre imagination et votre soirée enfiévrée avec vos amis, même si l'éditeur vous fait saliver avec pas moins de 6 futurs suppléments (qui, heureusement, je l'espère, n'ont jamais vu le jour, grâce soit rendue à cette époque bénie où l'inexistence du financement participatif nous préservait de ce type de calamité, sans compter une édition collector livrée dans une caisse de munitions), les auteurs nous proposent un scénario d'introduction de 10 pages, et 4 pré-tirés.

Alors, vous vous dites que le scénario est nul, à l'avenant du reste. Raté. Ces gens-là nous auront déçu jusqu'au bout, nous empêchant même de nous moquer d'eux jusqu'à la lie. Le scénario, donc, est simplement mauvais, mais n'est pas pire que les scénarios d'introduction de la plupart des JDR que le marché propose aujourd'hui : il est linéaire et respecte tous les poncifs de son univers. Les personnages sont de simples policiers, ils vont obéir aux ordres de PNJ d'élite et faire semblant de résoudre une enquête dont les PNJ d'élite sont chargés. On y croise une secrétaire d'élite (on parle tout même de la secrétaire personnelle du Grand Administrateur du Complexe) qui, en ces cyber-années 2107, tient l'emploi du temps de son patron sur un petit bout de papier plié au fond de son sac à main, dont le frère fricote avec des «terroristes » mais est gentil dans le fond, un projet d'attentat mené par un membre du service de la garde rapprochée du Grand Administrateur (qui doit donc connaître l'emploi du temps du type qu'il est censé protéger, non ? Non, il avait besoin du papier de la secrétaire, vous suivez un peu ?) et dont le groupe terroriste conserve soigneusement le numéro de téléphone personnel dans son agenda. Pour bien enfoncer le clou, le tueur donne son nom, son grade et son unité sur son répondeur, c'est tout juste s'il n'a pas ajouté qu'il était parti assassiner le Grand Administrateur, merci de laisser un message que je consulterai à mon retour. Et puis, comme tout méchant qui se respecte, tout terroriste capturé avouera ses crimes et décrira la conspiration en détail avant qu'elle ne soit menée à bien, « parce qu'il est trop tard, ha ha ha ». Ben non, imbécile, il n'est pas trop tard, il suffisait de te taire ou de regarder l'heure, parce que tu as devant toi des PNJ d'élite qui neutraliseront l'assassin avant qu'il ne puisse assassiner celui qui devait être assassiné (ce ne sont pas les PJ, simples policiers, qui peuvent le faire, de toutes façons).

En guise de récompense, les personnages verront leur implication dans cette affaire top-secret effacée de leurs états de service, ils devront signer un papier comme quoi ils garderont le secret jusqu'à leur mort, et retourneront faire la circulation avec 3 XP de plus (je n'invente rien). Bref, c'est assez japonisant comme concept (fais confiance aux autorités, aux unités d'élite qui en sont la bienveillante émanation, et tais-toi pendant et après).

Critique écrite en janvier 2016.

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