Livre de 224 pages à couverture rigide
Les flics posaient des questions après l'article du mois dernier. Trois heures déjà les yeux collés à la lampe braquée, dans les odeurs de mauvais tabac, sur une chaise inconfortable. Ils voulaient en savoir plus sur le manuscrit, le livre de base de Edge of Midnight. Ils voulaient tout savoir, et l'introduction de cinq pages présentant le monde, les particularités du Noir ou ce qu'est un jeu de rôles, ne leur avait pas suffit. Et ces flics-là avaient l'air du genre incorruptible. Oh, sûrement pas aussi incorruptibles que ça, mais au moins hors de prix.
Dans un coin de la salle, un dactylo pour copier toutes les déclarations. Un bruit régulier, masqué par les questions des poulets, qui rappelle curieusement la vieille Remington. La création des personnages, tout d'abord ? Ils interrogeaient sur le choix du concept, la détermination des attributs et des compétences, le choix d'éléments de backgrounds, d'une profession, et l'équipement de départ. Sans oublier les langues pratiquées. Tout cela était dans le premier chapitre, détaillé sur vingt-huit pages. Pas de méthode aléatoire, mais une répartition de points, et le choix de trois backgrounds au maximum. Sûrement une des parties les plus importantes, les backgrounds : c'est là que le personnage pouvait devenir un redouté warlock ou un non moins redoutable gaunt. La profession, quant à elle, était plus un choix de méthodes qu'un choix de carrière. Un politicien ou un flic pouvait bien choisir la profession gangster, si ses façons de faire étaient plus celles d'Al Capone que de Dick Tracy. Enfin, tous les principes de bases du jeu étaient aussi expliqués là, avant la description des compétences. A noter dans cette description des détails sur la façon de transcrire un succès partiel ou un critique.
Les ombres derrière la lampe semblaient satisfaites par ces premiers détails. Il s'agissait maintenant d'embrayer sur le deuxième chapitre, les règles de combats et de dommages. En dix pages, rien d'inhabituel : des explications sur le système d'initiative, la description de chaque compétence de combat (Brawl, Evasion, Firearms, Martial Arts, Melee et Throwing) et des modificateurs éventuels. Une petite subtilité toutefois, avec une douzaine de manoeuvres disponibles pour les personnages disposant de certains pré-requis. Du combat aveugle pour un personnage disposant d'assez de Perception jusqu'au coup vicieux ("Sucker Punch") avec une compétence suffisante en Brawl ou en Martial Arts, autant de manières de pimenter un affrontement. Les dégâts, quant à eux, étaient évalués en points de vigueur et en blessures, chaque personnage disposant de cinq blessures maximum. Une blessure était subie à chaque fois que le personnage encaissait autant de dégâts que son score de vigueur. Bien entendu, un seul coup pouvait provoquer plusieurs blessures. Un exemple de combat et quelques règles concernant les dégâts hors-combat concluaient le chapitre.
La suite les intéressait particulièrement : le chapitre sur la magie. Même le bruit de la machine à écrire se fit plus irrégulier. Ou alors, c'était la faute à cette lumière aveuglante, qui faisait perdre tout sens des réalités. La magie, dans Edge of Midnight, était scientifique. Les warlocks étaient avant tout assez doués en science pour tordre les lois de la Physique, et en user à leur convenance. Electricité, Gravité, Cinétique, Magnétisme, Atome ou Energie Thermique fonctionnaient de la même manière. Tout était question de puissance et de compétence du magicien, ce qui induisait une échelle de puissance dans chaque discipline, qu'il s'agisse de watts, de livres ou de miles par heure. Heureusement pour les autres, une solide connaissance dans la science adéquate pouvait permettre de résister, voire même de gêner une invocation. En outre, les gaunts étaient capables eux-aussi de gêner les invocations des warlocks. Enfin, l'accoutumance magique était décrite. Lancer un sort améliorait l'attribut Brains - utilisé pour lancer lesdits sorts - mais diminuait les trois attributs physiques du personnage. Selon la puissance du sort, la récupération était alors plus ou moins longue. Le bon côté, c'est que le warlock pouvait alors lancer plus facilement d'autres sorts. Le mauvais, c'est que les contrecoups se cumulaient, et que la période de récupération dépendait toujours du plus puissant sort lancé dans l'intervalle.
Après ces trois premiers chapitres, c'en était fini des chapitres techniques. La nuit était déjà bien avancée, et les questions des flics portaient maintenant plus sur le monde de Edge of Midnight. Ce monde, qui faisait justement l'objet des trente-six pages du quatrième chapitre. Ce monde qui, dans Edge of Midnight, se résumait au United Commonwealth, assemblage des Etats-Unis et du Canada, et à ses voisins latinos. Le reste, de toute manière, avait sans doute été emporté par la grande explosion de lumière blanche, et par les ravages de la guerre. Dans Edge of Midnight, Chicago devenait Central City, New York devenait New Eden et Los Angeles devenait Paradiso. La description de ces villes, et de quelques autres, était le principal objet de ce chapitre. De toute manière, la plupart des habitants avaient migré vers les villes pendant la guerre, et peu nombreux étaient ceux qui les quittaient pour les vastes et désertes campagnes. Pour chaque ville, il y avait bien entendu la description de quelques lieux et personnages clés.
La pièce était emplie d'un brouillard de tabac presque opaque, qui flottait à la limite de la lumière de la lampe. Ils étaient deux, peut-être trois, à poser les questions. Et pour les deux chapitres suivant, il s'agissait de répondre à des questions sur les deux principales anomalies de Edge of Midnight : les warlocks d'une part, les gaunts de l'autre. En vingt et quatorze pages, il y avait tout pour répondre à leurs interrogations : sur la position sociale de ces deux castes, sur la manière d'interpréter de tels personnages, sur certaines organisations auxquelles ils appartiennent, ou sur les lois et les coutumes qu'ils respectent. Quelques informations aussi, sur la nature de la magie, ou sur l'origine de la maladie qui touche les Gaunts, et fait d'eux des êtres difformes mais physiquement supérieurs. Ces deux castes étaient de toute manière craintes et rejetées, les gaunts étant même devenus de véritables parias hantant les banlieues ou les clubs mal famés.
C'était bientôt la fin, et même ceux qui posaient les questions semblaient fatigués. L'odeur de café froid se mêlait à celle du mauvais tabac. Les deux chapitres suivants étaient ceux des conseils, huit pages pour les joueurs et seize pour les meneurs. Les conseils aux joueurs abordaient principalement l'importance de l'appartenance au petit groupe de personnes qui s'inquiètent d'une "vérité" dans Edge of Midnight. Les "Few" partageaient en effet quelques caractéristiques, comme par exemple la particularité de se souvenir très clairement de ce qu'ils faisaient et ont pensé au moment de la grande lumière blanche. Conseils aux meneurs, ensuite, mêlant conseils de base, concepts généraux, mais surtout explications sur la manière de mener dans une ambiance Noire : les notions toutes relatives dans ce genre de victoire et de défaite, l'importance des tons de gris ou encore l'aspect central de l'opportunisme des personnages. Ces conseils étaient aussi agrémentés d'informations afin d'intégrer les warlocks et les gaunts dans un scénario, comme personnages ou comme éléments dudit scénario.
Deux pontes avaient rejoint les autres dans la pièce, au moment de l'explication finale. Alors que venait l'explication sur la vérité derrière Edge of Midnight, ils firent taire la machine à écrire, et les quelques mots échangés ne le furent qu'entre les personnes présentes. Car cette vérité était l'objet du neuvième et dernier chapitre ("The Whole Damn Mess") : quelle est réellement la lumière blanche ? Qui sont les habitants du United Commonwealth ? Pourquoi personne n'a de souvenir concret avant la lumière blanche ? Heureusement, le chapitre proposait non seulement une vérité canonique qui serait celle des suppléments, mais aussi quatre pistes alternatives. De quoi embrouiller des flics fatigués par une longue nuit d'interrogatoire.
Trois appendices pour conclure, et le petit matin était là. Un cadre détaillé de campagne, tout d'abord, avec la description approfondie de Gateway, la transcription dans Edge of Midnight de notre San Francisco. Les trente-trois pages étaient suffisantes pour décrire en détails quelques-uns des districts de la ville, de nombreux PNJ, et fournir quelques pistes de scénarios et de campagne. Les dix pages du deuxième appendice rassemblaient en une longue liste toutes les inspirations potentielles de Edge of Midnight : livres, films et séries télévisées. Enfin, le troisième appendice rassemblait tables, index, cartes, caractéristiques de PNJ typiques et modèle vierge de feuille de personnages. Le soleil était levé depuis deux heures, et les flics savaient tout. Il était temps de rentrer.
Cette fiche a été rédigée entre le 8 mai 2000 et le 8 mai 2009.
Excellent. Tout bonnement excellent. Ce jeu m'a donné envie de parcourir la longue liste des inspirations, de lire et voir bouquins et films que je n'ai pas déjà lus ou vus, puis de me plonger dans cette ambiance si particulière du Noir. Ambiance qui, je trouve, est retranscrite à merveille dans ce jeu.
Côté mécanique, c'est simple, certains diront même sans doute que c'est simpliste. Mais personnellement, j'apprécie que la base du système soit explicable en quelques lignes. Et d'ailleurs elle est très bien expliquée, en quelques lignes. Et pourtant, malgré son élégante simplicité, l'option permettant de choisir dé de compétence et dé d'attribut avant ou après le jet permet à elle seule de changer radicalement le type de jeu : un peu plus gritty pour le premier, un peu plus héroïque pour le second. On pourra reprocher un léger manque d'explications sur la magie, mais personnellement, dans un jeu mystérieux, ça ne me gêne pas trop que le côté mécanique de précision des effets magiques soit négligé.
Côté univers, le jeu se paye le luxe à la fois de coller au thème, et d'être modulaire. Warlocks et Gaunts sont en fait deux options majeures de jeu. Elles peuvent être ignorées pour jouer du Noir classique, relativement sobre, mais néanmoins efficace. Ou alors, utilisées à bon escient, elles peuvent être le moyen de surprendre joueurs comme personnages. L'univers vient en outre avec un "grand secret", qui lui aussi peut être royalement ignoré, ou au contraire mis au centre d'une campagne. Bref, c'est un jeu à la carte que nous proposent ses auteurs, ce qui donnera toute latitude aux meneurs pour transcrire l'ambiance. Ce qui ne signifie d'ailleurs pas que ce sont les meneurs qui vont devoir faire le travail : le jeu fournit assez de matière pour jouer presque directement, dans le cadre par défaut ou même dans une autre des grandes villes du United Commonwealth. Bref, un compromis réussi, selon moi, entre modularité et densité. Je remarquerai aussi l'intérêt immense du chapitre des conseils aux meneurs de jeu. Pas la partie basique, mais toute la partie qui concerne l'ambiance si particulière du Noir. Indispensable pour ceux qui, comme moi, aiment bien le genre sans jamais en avoir vraiment exploré les codes.
Pour finir, côté forme, c'est sobre mais extrêmement bien écrit, clair, souvent concis. A l'achat, via le web, je m'attendais à une couverture souple et du papier de mauvaise qualité. Pour un jeu sur un thème "de niche", ça aurait été assez normal, dans le fond. Et j'ai eu à la place une couverture rigide et du papier épais. Bref, bon point à ce niveau aussi.
N'en jetez plus, la coupe est pleine, j'ai trouvé un nouveau jeu à faire jouer à la première occasion pour se détendre entre deux gros morceaux de campagnes épiques qui tâchent !
Je suis globalement d'accord avec la première critique : s'il ne fallait choisir qu'un seul jeu permettant de refléter parfaitement l'esprit "noir" d'une Amérique d'après-guerre, ce serait incontestablement The Edge of Midnight.
Le monde décrit permet en effet de choisir la palette de gris qu'on souhaite appliquer, mêlant fort habilement politique, décrépitude morale, gangsters, tout en donnant la possibilité d'y inclure le surnaturel (ceci a beau être présenté comme optionnel, il me semble absolument indispensable). Les Gaunts et Warlocks sont diablement inspirants, ainsi que le fait d'être transportés dans une Amérique parallèle, ce qui permet aux joueurs de pouvoir s'investir sans aucune difficulté dans l'incarnation de leur personnage. Quant au Grand Secret, il réunit le tour de force d'être à la fois simple et puissant. Et s'il ne vous plait pas, il y en a d'autres à choisir. Et si aucun ne vous inspire, et bien foutez-lez à la poubelle, il n'y en a finalement pas besoin pour profiter du jeu.
Alors pourquoi seulement un 4/5 ? Tout simplement parce que le système de règles, tout simple qu'il soit, ne m'inspire pas plus que ça. Attention, il est assez facile à comprendre, mais je le trouve trop carré, pas très inspirant, pas novateur pour un sou. Pour rappel, on lance 2D10, un pour la Caractéristique, l'autre pour la Compétence. On additionne chaque dé à la valeur du trait concerné, et on compare chaque résultat à un Seuil de Difficulté (Target Number). Quand un seul des deux jets est réussi, on a droit à une réussite partielle, il paraît que c'est ça la grande idée... Bof, rien de vraiment excitant en ce qui me concerne, d'autant plus qu'une fois encore, le système admet autant de cas particuliers que de types d'actions : bien évidemment, le combat n'est pas traité dans sa globalité comme une action en opposition "classique", mais comme une suite d'actions en opposition : une opposition par tour, avec la possibilité de réaliser des Actions de Combat, des Actions Gratuites, des Manoeuvres... Ca me semble dommage, car ça reste très très classique, avec jets de dommages, comptabilité des blessures et tout le toutim, alors que le thème méritait à mon avis un autre traitement. Et que ça manque un peu de clarté...
Cela dit, les règles tiennent en quelques pages, le reste étant dévolu à l'excellent background de ce jeu qui vaut vraiment le coup. Je ne sais pas pourquoi, mais en lisant The Edge of Midnight, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la plantade Rétrofutur, j'ai même envie de reprendre certains ingrédients de ce dernier pour les inclure dans le monde de l'United Commonwealth...
Je vais pas faire dans la longueur, j'ai pas tellement le courage pour en ce moment. Mais on va dire qu'il mérite de bonnes notes pour les choses suivantes :
* Le thème. Le noir est un excellent genre, peu souvent traité.
* Le twist sur le thème. Ce n'est pas forcément facile de vendre quelque chose de pur Noir. Les Gaunts, les warlocks et les mystères sur ce qui est vraiment permettent d'exploiter plus de pistes encore.
* Une unité de ton dans les illustrations (qu'on peut ne pas aimer, certes, mais que j'ai appréciées).
* Des règles assez enlevées et sympas. Une bonne mécanique de base. Le coup d'1D pour l'attribut et d'un autre pour la compétence ainsi que les détails sur les succès complets ou partiels, très bien.
* Le parfum de mystères. Je sais, j'en ai déjà parlé. Mais c'est toujours ce que je préfère dans un jeu : le côté surnaturel possible. Là, ce n'est pas d'une évidence extrême au premier abord mais les pjs sont censés incarner des personnages en quête de réponses. Et bon sang, c'est que les gens sont sacrément amnésiques dans cet univers.
* A priori, il y a de quoi démarrer sans attendre des suppléments dans ce livre de base. On n'aura pas le détail complet de toutes les autres grandes villes. Mais une suffit au départ pour bien commencer et le léger survol des autres villes permet de se faire une idée, surtout qu'il s'agit de versions fantasmées de grandes villes qu'on connaît déjà.
* La magie est parfaitement intégrée à l'univers et fait mal pour les chocs en retour.
* Les explications derrière le voile sont nombreuses. Le maître de jeu a le choix de résoudre le mystère d'EoM de plusieurs manières, et c'est tant mieux. Rien n'est totalement ancré dans le marbre, ce qui permet une plus grande liberté de jeu.
Mes bémols, à la lecture, ont été les suivants :
* Purement subjectif : j'ai lu en même temps Hellywood (à paraître bientôt en avril 2008 où je rédige cette critique) et j'ai pu comparer. Surtout en ce qui concerne la description de la ville qui habite le livre de base. On a quand même un petit manque de background quand on est un joueur français pour se représenter une ville américaine.
* Les dommages ne sont pas particulièrement "chair et sang" et la mécanique pour dégommer quelqu'un prend un peu lourdement du temps, à mon humble avis. Prévoir sinon, beaucoup de seconds couteaux avec un seul pallier de blessure.
* Je maintiens, persiste, signe, grogne et peste. Un système de création de personnage ne doit pas être détaché d'un système de développement du personnage. Il y a sinon trop matière à pouvoir s'optimiser pour les hard core "gamistes" qui vont avoir ainsi des personnages plus balèzes que leurs petits camarades narrativistes ou pas au fait des règles.
* Il me manque une composante encore plus fantastique avec les médiums ou toutes les "magies" liées à la psychométrie, à la connaissance. Mais bon... Dans cet univers, ce n'est pas étonnant.
* Il y a des pilules qui ne vont pas être faciles à faire passer sur la durée auprès des joueurs (comme de ne pas pouvoir se déplacer hors des states). La carte est assez vide, il semble y avoir peu de grandes villes. Comment les maintenir dans le mystère longtemps ? Il y a fort à parier que très vite les joueurs et leurs personnages commencent à soupçonner des trucs qui sembleront vite évidents quant à leur nature. Ce jeu me fait beaucoup penser à Dark City et plus que le Noir qui fait l'ambiance, on a envie de s'orienter vers un "découverte" de l'origine au détriment des scénarios classiques du Noir. Ce qui risque de ne pas être ce qui avait été vendu à des joueurs venus surtout pour trouver du Noir. Enfin, je dis ça...
C'est pas un reproche majeur. C'est juste que le jeu a le cul sur deux chaises : le Noir et Comprendre pourquoi le monde est comme ça. Et que je ne vois pas comment faire autrement qu'avoir envie d'aller vers le second dans une ambiance Noire pour mon compte. Pour mon goût, il aurait peut-être fallu en faire encore plus sur les mystères et se contenter du Noir en toile de fond.
* Ce jeu n'est pas fait pour un groupe étendu de pjs. Il va à mon avis perdre tout son sel à plus de trois personnages et il est même parfait, quand j'y songe, pour du solo. On est quand même axé sur le psychologique, la découverte, un genre très proche des protagonistes au niveau du ressenti des émotions.
Mais bref, je vais passer outre mes quelques reproches sur le système de dommages et coller un 5 en arrondissant au supérieur (sur 10, je donnerais dans le 8,5) à l'ouvrage parce que je suis d'humeur généreuse et qu'il est de toutes les manières plein de bonnes idées et à même de susciter ce que j'appelle la "Flamme".
En un mot, Edge of Midnight (EOM) ne tient pas la route, surtout face à un jeu comme Hellywood, paru peu de temps après et abordant le même thème. EOM dilue sur plusieurs livres moches ce que Hellywood réussit à faire tenir en un petit bouquin joli. Dans EOM, il y a tout au plus une dizaine de pages intéressantes, celles qui parlent du secret central du jeu ; je n'exagère pas, tout le reste est du remplissage qui m'a terriblement emm…é, sans une once d'originalité ou d'inspiration. EOM aligne des pages et des pages de poncifs, où il suffit de remplacer gaunt par noir costaud et moche pour retrouver ce que l'on trouve dans n'importe quel mauvais résumé des années 50 sur les États-Unis. La présence du fantastique n'apporte RIEN, rien du tout, et surtout pas en terme d'ambiance. L'ambiance d'EOM, c'est juste du nouâr, mon bon monsieur, mais plutôt du genre à vous endormir qu'à vous réveiller.
Bref, premier point : j'ai l'intégralité de la gamme d'EOM et j'en garde un souvenir de profond ennui à la lecture. D'ailleurs, sauf erreur de ma part, il n'y a pas un seul scénario de proposé. Aligner des pages de descriptions et de contexte, c'est toujours plus facile que ficeler une bonne intrigue.
Deuxième point, le soi-disant fantastique : aucun adjectif décent ne me vient à l'esprit pour le qualifier. Disons poliment que, comme je l'ai déjà signalé ci-dessus, la présence de magiciens et de gaunts n'est absolument pas exploitée. La magie est interdite et il y a une section du F.B.I. chargée de les traquer et… ? rien. Il y a bien un supplément consacré aux gendarmes anti-magie et aux voleurs magiciens, mais on y trouve des histoires de gendarmes et de voleurs. Point. Vous en saurez autant en lisant ces lignes qu'en lisant ce supplément. Pour les gaunts et la mafia, même combat : la mafia, c'est la criminalité, le mal et le pêché… coïncidence, les gaunts sont plus forts et plus méchants que les méchants humains. Voilà.
Quant aux règles de magie, elles sont aussi passionnantes que celles sur les armes à feu : alors il y a six domaines magiques (électricité, gravité, cinétique, magnétisme, énergie atomique et énergie thermique), et pour le premier, votre niveau de maîtrise se traduit par la capacité de faire de plus en plus de dégâts électriques, mesurée watt par watt ; pour le second, votre niveau de maîtrise se traduit par la capacité de faire de plus en plus de dégâts en écrasant un objet sous son propre poids, mesuré kilo par kilo, et ainsi de suite pour chacune (le dernier étant mesurée en degrés Farenheit, bien sûr). Pour l'ambiance et le fantastique, vous repasserez. Bref, le soi-disant fantastique d'EOM est pour moi totalement raté.
La seule explication que je vois aux excellentes notes affichées par d'autres est la suivante : Elles sont le fruit de joueurs confirmés qui étaient déjà convaincus par le thème, indépendamment de ce jeu. EOM fut le premier à aborder ce thème précis et en a recueilli les lauriers. Ces personnes y ont, je pense, trouvé de la matière pour faire ce qu'ils voulaient (« c'est un jeu à la carte que nous proposent ses auteurs, ce qui donnera toute latitude aux meneurs pour transcrire l'ambiance. » dit l'un, l'autre évoque avant tout « le thème, le twist sur le thème et le parfum de mystère »), et pas vraiment un JDR sous la forme d'un univers particulier et d'un système de jeu. Selon moi, objectivement, il est juste raté, ludiquement parlant. Pour ce qui est du volume de baratin (pas forcément inutile, d'ailleurs), il y a la dose, et des rôlistes avertis sauront toujours en faire quelque chose. Pour moi, qui suis venu voir ce que ça pouvait donner, j'ai estimé le résultat pitoyable.
En résumé : si vous voulez jouer à un JDR sur le thème, que vous avez des campagnes toutes prêtes plein la tête et que vous avez de la bouteille, EOM peut vous convenir. En revanche, si vous êtes curieux, ce n'est pas EOM qui vous donnera envie de jouer ; il est verbeux et, je le répète, sans aucune idée originale au-delà de celle d'avoir mis des magiciens dans les années 50 aux U.S.A. (et pour ne rien changer finalement), et ses règles sont à oublier. Si, inversement, vous voulez un jeu qui vous donnera envie de jouer, avec des scénarios et pas forcément moins de matière, choisissez Hellywood.
Critique écrite en janvier 2011.
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