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Non, pas l'auteur de Bitume...

Aube de Sang - Making-Of

Par Turiya

Rubrique : Previews
Date : 20 juillet 2009

Voici avant-goût du making-of qui paraîtra sur le site des Écuries d’Augias après la sortie d’Aube de sang. Cet extrait se concentre sur les "cadres", une nouvelle méthode de conception et de présentation des scénarios de Crimes.

Construire un scénario modulable

Ici, on parle de l'éternel débat entre les scénarios ouverts et fermés.

Le scénario fermé borne le chemin, dirige le meneur dans des sentiers cloisonnés, et offre une perche rassurante pour guider les joueurs littéralement pris par la main.

Le scénario ouvert offre un cadre plus large, avec des libertés plus importantes, et une variété de possibles toute autre. Ce qui suscite des inquiétudes pour le meneur inexpérimenté qui a peur de perdre la cohérence de l'histoire sur une campagne aussi longue.

Une méthode bâtarde consiste à proposer des scènes alternatives, échangeables, comme les paragraphes des livres dont vous êtes le héros: si vous visitez tel lieu, allez à la scène 7, sinon, retournez à la 2, etc. Le souci est que la liberté y est illusoire, dans le sens où les scènes restent immuables, imposées, préfabriquées, qu'il n'est pas toujours facile de les réadapter par rapport à toutes les déviations déjà empruntées par les joueurs.

Dans Aube de sang, nous sommes donc allés plus loin. Nous avons déstructuré les scènes en réfléchissant sur ce qui définissait une scène dans Crimes. Outre le lieu, les personnages et l'intrigue principale, il fallait définir d'autres paramètres : l'ambiance, l'élément fantastique, l'intrigue secondaire se rapportant soit à la vie quotidienne, soit aux événements historiques.

Le résultat ressemble donc à un Meccano dont on assemble les éléments : des pièces de formes et de fonctions diverses, des moyens de les visser, des couleurs, et des schémas de montage indicatifs. En ce sens, le supplément poursuit le travail ébauché dans la Fabrique de l'Horreur qui expliquait comment concevoir son scénario. Il va plus loin que Paris, Ombres et Lumière car il n'est pas qu'un simple recyclage des lieux et des PNJ décrits dans le texte.

L'objection la plus répandue est la même : l'investissement en temps n'est pas le même quand il s'agit d'assembler soi-même son scénario. Mais l'avantage est multiple : on le calibre, on l'ajuste en fonction de ses propres choix, priorités et goûts, on le fait évoluer avec plus de facilité qu'une campagne qui comporte des « points de passage » balisés et obligatoires.

Extrait d’entrevue avec les auteurs

Quel regard portez-vous sur le monde du JDR ? Celui-ci a-t-il évolué au cours du temps ?

Franck Brison : "Le JDR est une activité singulière et précieuse dans la mesure où celui-ci pousse à s’ouvrir aux autres et au monde en général.

Pour l’évolution du JDR, je trouve que celle-ci a considérablement avancé depuis sa création. Aujourd’hui, les gros systèmes simulationnistes ont tendance à disparaître au profit du déroulement de la narration et du ressenti de chacun face à l'histoire (n'oublions cependant pas qu'il y eu de grands précurseurs dans les années 80, avec par exemple l'excellent Hurlements de Jean-Luc Bizien).

De mon coté, je suis convaincu que le JDR a encore de bien belles surprises à réserver. Il y a encore tellement à faire, ne serait-ce que dans le souci d’offrir aux MJ toujours plus de pistes ouvertes à leur création personnelle, de proposer des cadres de contexte réellement dynamiques, de s’émanciper au maximum des vieilles contraintes de la linéarité, et de pousser encore plus loin le concept jeu de rôles (à mon sens encore trop écarté)."

Yann Lefèbvre : "Pour ma part, je pense que ce média est en train d’évoluer, au même train que la mutation du marché avec l’apparition de nouveaux studios et d’éditeurs et la disparition des grands anciens. Avec l’âge des rôlistes, on évolue aussi en termes d’exigence. Le monde du jeu se dote d’outils de réflexion de plus en plus affinés pour critiquer tel ou tel jeu, telle ou telle expérience ludique.

Les thèmes les plus généraux (médiéval-fantastique) amenant à des mondes très complexes tendent à disparaître au profit de jeux offrant un contexte plus réduit, avec des thèmes plus forts. Il faut dire aussi qu’on a moins le temps de jouer et d’approfondir un univers trop conséquent.

Le gameplay est aussi une notion de plus en plus importante. Les règles sont au service des thèmes, et non plus d’un besoin purement simulationniste. Le JDR est en train de mûrir comme ses pratiquants, et il jette davantage de ponts vers d’autres médias comme la littérature, le jeu vidéo ou d’autres formes d’expression, comme les thérapies, les formations d’entreprise ou la pédagogie. Il y a encore, effectivement, beaucoup à faire."

Les scénarios produits par les Écuries d'Augias se sont montrés jusqu'ici très didactiques, avec Aube de sang, bien que la description des scènes reste sensiblement la même, avec une construction un peu plus complexe, vous poussez un peu plus le Meneur à choisir sa trame, qu'est-ce qui a motivé cette optique légèrement différente, et quelle(s) utilisation(s) voyez-vous pour cette « nouvelle » structure ?

YL/FB : "Ce supplément possède surtout une structure narrative qui lui est propre et qui, à bien des égards, est novatrice. L’histoire contée est articulée en plusieurs saisons qui correspondent à des étapes chronologiques, mais aussi à des ambiances différentes. Elle suit en cela la logique de certaines séries récentes, comme Deadwood ou Rome, où l’on s’aperçoit que le personnage principal reste la ville. La storyline, les intrigues principales et secondaires, les protagonistes (leurs motivations et leurs caractères) sont autant de déclinaisons de cet environnement.

De plus, le scénario offre une multitude de scènes différentes de par leurs thèmes (historiques, du scénario principal), leur nombre ou encore des outils de mise en scène (conseils pour appliquer diverses atmosphères fantastiques). Cela permet d’avoir un matériel en kit que le meneur peut soit :

  • Planifier avant la première séance de jeu.
  • Adapter au fur et à mesure de l’avancée des joueurs, pour rebondir sur les intrigues qui les ont accrochées, pour favoriser les ambiances qu’ils auront préférées.
  • Quelques modèles de campagnes préfabriquées permettent de se lancer dans l’aventure sans en connaître tous les tenants ou aboutissants."