Contenu | Menu | Recherche

Ton jdr impitoyable

Dossier d20 System

Rubrique : Analyses
Date : 01 mai 2004

Depuis son apparition en 2000 avec la troisième édition de D&D, le d20 System basé sur l'Open Game License a changé le paysage du JdR. Ses détracteurs comme ses adeptes s'égosillent à n'en plus finir sur les forums du monde entier, les game designers les plus connus font la couverture des magazines de mode, et la souveraineté des Etats est battue en brèche par des mégacorpos nées de l'exploitation commerciale du d20. En attendant que le professeur Huntington consacre son prochain livre au choc des systèmes de jeu, le GROG vous propose, avec son objectivité et sa neutralité coutumières, un dossier en plusieurs parties consacré à l'étude de ce phénomène sans précédent dans notre loisir. Maintenant que le d20 est tiré, il faut le boire...

Chapitre 1 : OGL & d20

Un long discours valant mieux qu'un petit dessin, la première partie de notre dossier est consacrée à redéfinir les termes souvent galvaudés, "d20" et "OGL". Une fois ces concepts clarifiés, il sera ensuite plus facile de pousser plus loin la réflexion.

Open Game License

Directement inspirée de la Gnu Public License issue du monde informatique, l'Open Game License (ou OGL) est un texte légal publié par Wizards of the Coast et soutenant le mouvement Open Game, dont le principe est de permettre un éditeur, qu'il soit professionnel ou amateur, de réutiliser en toute légalité du matériel ludique, le plus souvent des éléments de règles, publié par d'autres éditeurs. Il est ainsi possible de reprendre des éléments issus d'un ou plusieurs autres ouvrages publiés sous OGL pour créer son propre jeu ou supplément, sans avoir à demander une autorisation particulière aux détenteurs légaux des droits.

Même si on l'associe généralement au d20 System, l'OGL n'est liée à aucun système de jeu particulier : l'Action ! System et le EW-System sont également publiés sous l'OGL.

Un ouvrage publié sous OGL contient deux types de matériel :

  • Le contenu ludique libre (open game content) est le matériel réutilisable par d'autres éditeurs. Il s'agit généralement des éléments de règles proprement dits.
  • L'identité du produit (product identity) désigne le matériel dont l'auteur se réserve les droits et qui ne sont pas reproductibles sans autorisation. Il s'agit le plus souvent des informations de contexte, des textes d'ambiance, des illustrations, des noms propres et autres éléments caractéristiques d'un univers de jeu.

Les conditions d'utilisation de l'OGL sont relativement simples, et concernent essentiellement la Notice de Copyright qui se trouve à la fin de la licence elle-même (cette dernière devant impérativement se trouver dans l'ouvrage). Cette notice doit être mise à jour et reprendre exactement les mentions de Copyright de toutes les sources dont on a utilisé le contenu libre, ainsi que les mentions légales relatives à l'ouvrage lui-même.

Un ouvrage OGL doit également clairement identifier le contenu libre et l'identité du produit qu'il contient. Il peut s'agir d'une différence de police ou de couleur, mais le plus souvent on trouve au début ou à la fin des ouvrages OGL un paragraphe dressant la liste du contenu libre et de l'identité du produit.

La proportion de contenu libre et d'identité du produit est laissée à l'appréciation de l'éditeur. Certains le limitent strictement aux règles et éléments techniques, d'autres y ajoutent certains textes mais se réservent les noms propres et autres éléments significatifs, d'autres encore placent l'intégralité du texte de leurs publications en contenu libre. Il est en revanche impossible de classer comme identité du produit du contenu libre tiré d'un autre ouvrage (même si ce dernier appartient au même éditeur) ou dérivé d'un texte placé en contenu libre.

Exemple : Les fiches des créatures dans les bestiaires pour le d20 System peuvent se diviser en trois éléments : le nom de la créature, sa description et ses caractéristiques techniques. Certains éditeurs ont désigné comme identité du produit les noms des créatures et leurs descriptions, d'autres ont réservé les noms mais ont placé les descriptions en contenu libre. Mais tous doivent impérativement désigner les caractéristiques des créatures comme contenu libre, puisqu'elles dérivent directement des règles du d20 System.

d20 System Trademark Licence

 

La d20 System Trademark License (d20 STL) est un texte légal venant s'ajouter à l'OGL et régissant l'utilisation des logos et trademarks associés au d20 System et à D&D3. Il ne s'agit pas d'une licence indépendante : un produit utilisant la d20 STL doit obligatoirement se conformer à l'OGL. Son utilisation se révèle nettement plus complexe que celle de l'OGL, et Wizards of the Coast lui a adjoint un d20 System Guide disponible sur son site et détaillant toutes ses subtilités. Voici ces rouages principaux.

La d20 STL accorde les droits suivants :

L'usage de la d20 STL comprend également plusieurs restrictions :

  • Un produit d20 System doit arborer en première ou quatrième de couverture le logo d20 System ainsi qu'une mention légale indiquant la nécessité de posséder un livre de base publié par Wizards of the Coast. Le d20 System Guide donne le choix entre plusieurs variantes de ce texte (D&D3, d20 Modern, Core Rulebook...) et indique également les autres mentions légales à inclure à l'intérieur de l'ouvrage (copyrights divers).
  • Un produit d20 System ne doit jamais expliquer le processus de création de personnage. Cela veut dire qu'il ne peut pas expliquer comment on génère les caractéristiques, comment on choisit une classe, comment on répartit les points de compétence, etc. Il est en revanche possible de proposer des classes et compétences supplémentaires ou alternatives.
  • Un produit d20 System ne doit jamais expliquer le processus de progression en expérience. En clair, il ne doit pas indiquer comment on applique les avantages acquis à chaque niveau lorsqu'on gagne des points d'expérience. Il est toutefois possible de proposer une table de progression alternative.
  • Un produit d20 System ne doit pas modifier la définition des "Termes Définis", c'est-à-dire le lexique technique de base du d20 System. Il est possible de se passer de certains de ces termes, voire d'en ajouter de nouveaux, mais un supplément d20 System utilisant le terme technique "paniqué" par exemple, doit obligatoirement utiliser la définition donnée par D&D3. La liste de ces termes techniques se trouve dans le d20 System Guide.
  • Un produit d20 System doit se conformer à certains critères de décence (en matière de violence et de sexe) et de respect des cultures et des opinions (religieuses, politiques ou philosophiques).
  • Un produit d20 System doit contenir un minimum de 5% de contenu libre tel que défini par l'OGL.

Contrairement à l'OGL, la d20 STL n'est pas un texte définitif : un éditeur utilisant la d20 STL s'engage à respecter la version la plus récente de la licence, ce qui pourrait le contraindre à retirer de la vente certains ouvrages s'ils venaient à ne plus être en conformité avec la nouvelle version. C'est d'ailleurs ce point de réglementation qui a poussé de nombreux éditeurs à quitter le giron du d20 System pour se replier vers la publication OGL simple en 2003, lorsque Wizards of the Coast a rendu publique la version 6.0 de cette licence en y ajoutant des conditions de "décence" ayant effrayé de nombreux professionnels.

Dura lex, sed lex

Même si l'OGL et la d20 STL ont permis à de nombreux petits éditeurs semi-amateurs de produire des suppléments aussi "officiels" que ceux des principaux acteurs du jeu de rôle actuel, il est important de comprendre que ces textes restent des contrats légaux, et qu'ils donnent des migraines aux juristes depuis leur publication en 2000 du fait de leur complexité et des zones d'imprécision qu'ils comportent. Avant de se lancer dans la publication d'un supplément d20, il est donc capital d'étudier ces textes (ainsi que le d20 System Guide) avec le plus grand soin, et de prendre si possible conseil auprès de quelqu'un ayant de solides connaissances en matière de droit.

Référence : page Wizards of the Coast concernant la licence d20 et l'OGL

 

Chapitre 2 : Touche pas au grisby !

Le d20, c'était la promesse d'un système universel pour les joueurs, de substantiels profits pour les éditeurs, et tout ce petit monde qui se retrouverait à Bora Bora sous les palmiers. Après quatre années de vie, que reste-t'il exactement des vacances dorées au soleil pour les auteurs de jeux de rôle ?

Accouché dans la douleur...

Le d20 a débarqué pendant une période de déclin du jdr. Les années 90 ont été marquées par des attaques dirigées contre ce loisir : certaines émissions télévisées en France ou des groupements à tendance extrémiste comme le lobby chrétien américain anti-jdr B.A.D.D. (Bothered About Dungeons & Dragons)[1] aux Etats-Unis. Ces attaques, ainsi qu'une certaine désaffection des joueurs et un exode relativement important vers les jeux de cartes à collectionner comme Magic, ont fait passer le jeu de rôle de loisir de masse potentiel - L'Oeil Noir ou Donjons & Dragons étaient vendus en grande surface jusqu'à la fin des années 80 - à un loisir de niche, fraction d'un groupe plus large : le "hobby gaming". Après le phénomène Magic the Gathering, d'autres fractions du hobby gaming ont entamé sévèrement l'attrait du jeu de rôle : les MMORPG (Massively Multiplayer Online Roleplaying Game), le renouveau des jeux de société classiques ou les plus récents Clix. En fait, toutes les autres composantes du hobby gaming ont subi à un moment ou un autre une évolution majeure : les Clix pour les jeux de figurines, le phénomène "à collectionner" pour les jeux de cartes, le jeu en ligne persistant pour les jeux vidéo et enfin l'influence notable de l'école allemande sur les jeux de plateau. A côté de cela, les jeux de rôle n'ont pratiquement pas évolué.

D'après les estimations de Wizards of the Coast et TSR, entre 1993 et 1997, les jeux de rôle perdaient 60 à 70% en volume de ventes. Parallèlement, AD&D était devenu un monstre tentaculaire avec une base de joueurs toujours aussi importante, mais qui amenait son éditeur TSR droit vers la ruine, chaque supplément se vendant mécaniquement moins bien que le précédent. Dès la reprise par Wizards of the Coast, à l'été 99, fut menée la plus importante étude de marché jamais réalisée à ce jour dans l'industrie du jeu de rôle[2]. L'éditeur tira certaines conclusions de cette étude et le résultat ne se fit pas attendre : l'année 2000 voyait naître D&D 3e édition et l'Open Gaming License. L'homme à l'origine de l'OGL et du d20 System, Ryan Dancey, a utilisé les résultats de ce qui reste la seule étude marketing valide effectuée à ce jour dans le milieu pour tenter d'infléchir la tendance. Près de quatre ans plus tard, qu'en est-il du marché du jeu de rôle et quels ont été les effets de la licence d20 ?

Chacun sa part du gâteau

Dans l'étude de marché de 1999[2], les jeux les plus joués aux Etats-Unis étaient AD&D et D&D (cités par 66% des joueurs), Vampire (25%), Star Wars (21%) et les jeux Palladium (16%). Dans un autre article, daté d'avril 2002, l'auteur / chroniqueur Ken Hite comparait les parts de marché pour les différents éditeurs outre-atlantique[3]. Arrivaient en tête Wizards of the Coast (45% de parts de marché), White Wolf (19%) et Palladium Books (8,8%). Même si les deux séries de chiffre ne sont pas tout à fait comparables puisqu'elles ne mesurent pas la même chose, on peut toutefois en tirer une conclusion : l'arrivée du d20 n'a pas bouleversé immédiatement la donne parmi le peloton de tête des éditeurs anglophones. Il n'en est pas forcément de même pour tous les autres éditeurs. De l'avis de Shane Lacy Hensley, auteur et fondateur de Pinnacle, "on est passé d'une dizaine de compagnies établies en 96, avec deux ou trois gammes importantes et une vingtaine de gammes moins importantes (...) à plus d'une centaine d'éditeurs et un millier de produits d20 d'actualité", en plus des anciennes gammes ou des jeux non-d20. L'apparition des suppléments et jeux au format numérique ajoute encore au chaos ambiant. Dans ce contexte, les ventes sont encore plus éclatées entre les éditeurs et la lutte est rude pour se tailler une place sur les étagères des boutiques et des joueurs.

En France, la même période a vu l'abandon progressif de ses gammes de jeu de rôle par Descartes, la faillite de Multisim, une consolidation d'Hexagonal et Oriflam, la montée en puissance d'Asmodée et l'apparition de 7e Cercle puis plus récemment d'UbiK, qui a repris certaines gammes de Multisim. Le nombre d'acteurs reste globalement constant, ainsi que les rôles de chacun. Aujourd'hui, Asmodée est l'éditeur phare francophone, en grande partie d'ailleurs grâce à l'acquisition de la licence de traduction D&D3. Pour Geoffrey Picard [4], l'un des responsables de gamme de l'éditeur, le chiffre d'affaires jdr d'Asmodée représente 30 à 50% du CA global de la société, mais ne représenterait sans doute que 10 à 15% sans D&D3. Bouleversement ? Il serait intéressant de comparer ces chiffres à ceux de Descartes lorsque ce dernier était titulaire des droits de traduction d'AD&D. Il est probable que l'écart ne serait pas si important.

Un constat est valable en France comme aux Etats-Unis : les volumes de vente diminuent régulièrement. En 1991, toujours selon Geoffrey, les 5000 exemplaires du premier tirage de Bloodlust étaient tous vendus le jour de leur sortie en magasin ; aujourd'hui, un livre de base est tiré à 3500 exemplaires environ et l'éditeur considère que le produit se vend bien si le tirage est épuisé en une année. Seul D&D3 surnage, avec 20000 exemplaires vendus pour chacun des livres de base. L'évolution est donc globalement la même qu'aux Etats-Unis en terme de volumes de vente. D'ailleurs, le marché américain n'est pas si colossal que cela : Greg Benage, auteur chez Fantasy Flight, annonce ainsi des chiffres de l'ordre du millier d'exemplaires vendus pour Ancient Echoes, un supplément Blue Planet, et d'une dizaine de milliers d'exemplaires pour Traps & Treachery [5]. Le rapport de taille entre marché français et marché américain n'est donc pas aussi important qu'on pourrait le penser.

Au niveau des perspectives, Shane Lacy Hensley estime que les éditeurs d20 anglo-saxons se répartissent plus ou moins en trois catégories : un premier tiers qui vend suffisamment et qui continuera à bien fonctionner, un dernier tiers composé de gens qui sortent des suppléments plus ou moins pour le plaisir mais ont conservé un emploi et qui donc n'arrêteront pas leur activité d'édition, et enfin un tiers médian qui n'atteint pas des chiffres suffisants pour survivre et qui est appelé à avoir de gros ennuis. En France, seuls Hexagonal et Oriflam semblent suivre le mouvement d20 et on est donc loin des dizaines d'éditeurs créés ces dernières années outre-atlantique. Au final, le d20 n'a pas enrayé la lente perte de vitesse du jeu de rôle, même s'il a causé certains changements.

De nouveaux impératifs

Il y a en effet certains aspects que l'arrivée du d20 a bouleversé : tout d'abord dans la forme que prennent les jeux de rôle actuels : couvertures rigides, intérieur en quadrichromie, illustrations de qualité, papier glacé sont autant de paramètres que les manuels D&D3 ont pu adopter grâce aux forts volumes de vente. Dans un premier temps, de nombreux éditeurs se sont alignés au moins en partie sur ces nouveaux impératifs de qualité visuelle. On peut notamment citer Blue Planet, dont la deuxième édition suivait à peu près, mais sacrifiait quand même à un intérieur en noir & blanc. En France, le récent COPS a aussi répondu à ces critères, mais en se contentant d'un encart interne en couleur. En fait, à l'heure actuelle, seuls D&D3 et certains jeux à licence comme Star Trek, Babylon 5, Buffy, Angel ou le Seigneur des Anneaux peuvent se permettre de suivre le mouvement. Et bien souvent, les ventes du livre de base passées, les suppléments reviennent peu à peu à une qualité moindre : couverture souple, intérieur noir & blanc, etc. Le mouvement est encore plus rapide chez les petits éditeurs qui font du d20 System leur source principale voire unique de revenus : on peut par exemple citer Bastion Press, qui annonçait en avril 2003 son intention de revenir au noir & blanc, chiffres de production à l'appui [6]. Jim Butler, son président, explique en substance que l'éditeur est assuré de perdre de l'argent en continuant à sortir des suppléments en couleur, au dessous d'un certain niveau de ventes. A contrario, Atlas Games, constatant une hausse des volumes des ventes pour les suppléments à couverture rigide, a choisi de passer finalement à ce format d'édition.

Après l'aspect visuel des ouvrages, certaines choses ont aussi changé dans la façon de présenter le jeu et ses règles. Les concepteurs du d20 System ont fait preuve de la même rigueur pour bâtir D&D3 que celle appliquée pendant des années au jeu de cartes Magic the Gathering, important notamment dans le milieu du jeu de rôle la notion de "game design". Cette rigueur est visible notamment du point de vue des auteurs qui travaillent sur des suppléments au système, comme Matt Forbeck [7] ou Monte Cook [8]. Cette manière de présenter les règles s'est retrouvée dans un certain nombre d'autres jeux : Star Trek et son système CODA, ou Buffy et Angel avec l'Unisystem, entre autres. La rigueur dans l'écriture des systèmes amène de plus en plus d'éditeurs à distinguer le système de jeu et la partie background, allant même parfois jusqu'à placer leur système sous OGL comme Gold Rush Games avec l'Action! System et Extraordinary World Studios avec l'EW-System.

L'invasion d20 ?

La multiplication des éditeurs gravitant autour du système d20 a accentué considérablement les difficultés d'un certain nombre de gammes. A la fin des années 90, dans une période plutôt morne pour le jdr, même un jeu dit "de niche" pouvait espérer voir ses suppléments sur les rayonnages de nouveautés des boutiques et atteindre ainsi un succès d'estime suffisant pour assurer la survie à moyen terme du jeu en question. Parmi les jeux anglophones, Blue Planet, Tribe 8, Unknown Armies, Trinity ou Sengoku font partie des jeux qui ont eu la bonne fortune d'apparaître entre 97 et 99 et de s'assurer ainsi une base suffisante de joueurs.

Mais plus que la base des joueurs, c'est la représentation en boutiques de ce type de jeux qui a souffert de la déferlante d20 : vu le nombre de nouveautés d20 et dans la mesure où ces nouveautés se vendent beaucoup mieux que toute autre gamme, les gérants de boutiques, en France ou aux Etats-Unis, laissent le plus souvent la part belle au d20 dans les rayonnages. Lorsque, sur les étagères de nouveautés, on enlève la place occupée par le d20 et celle occupée par les jeux à succès et leurs suppléments, il ne reste généralement pas grand chose pour ces jeux de niche. Ainsi, depuis 2000, Blue Planet, Unknown Armies et Sengoku ont été plus ou moins abandonnés même si Unknown Armies trouvera peut-être une seconde vie via sa traduction française, Tribe 8 a connu une nouvelle incarnation "dual-statted" compatible d20, et Trinity devrait ressortir sous peu dans une version d20. Là encore, les éditeurs sont confrontés à un cercle vicieux : nombre d'entre eux consacrent une partie de leurs efforts à produire des suppléments pour le système d20 afin d'assurer leur subsistance et diminuent d'autant la visibilité de leurs autres gammes.

Ce problème est d'autant plus critique que l'industrie du jeu a considérablement muté ces dernières années, passant d'un modèle de distribution "backlist" à un modèle "frontlist" : ce sont les nouveautés qui tirent les ventes vers le haut ou vers le bas et l'avenir d'un jeu peut être décidé en quelques mois à peine une fois les chiffres de vente obtenus, ou en quelques semaines selon les demandes de réassortiments. De fait, toute la production est orientée vers les nouveautés et les suppléments épuisés sont rarement réédités. Un éditeur comme Mongoose va même jusqu'à n'assurer le suivi d'une gamme que lorsque les nouveautés se vendent bien, sonnant le glas de gammes comme Slaine ou Judge Dredd. Un jeu sans nouveautés est de plus en plus rapidement considéré comme "mort" et on a là un nouveau cercle vicieux pour les petites gammes : les ventes déclinent de suppléments en suppléments, jusqu'à ce que l'éditeur ne puisse plus se permettre de sortir de nouveaux ouvrages. Le jeu est alors considéré comme mort par les joueurs et même les livres de base ne se vendent plus, jusqu'à ce que l'éditeur abandonne finalement l'idée de sortir quoi que ce soit. Les gammes disposant d'une base de joueurs suffisante peuvent se permettre de relancer la machine à coup de nouvelles éditions : le Monde des Ténèbres avec la Géhenne, D&D 3.5 ou INS/MV, par exemple ; les gammes plus réduites sont condamnées à l'oubli par leur éditeur. Certains tentent tout de même de juguler cela en modifiant au moins en partie leur mode d'édition : les saisons de COPS, le nombre limité de suppléments d'Orpheus ou les ouvrages à bas prix de Post-Mortem ou Arkeos sont autant de tentatives visant à trouver un modèle économique plus viable et qui infléchisse enfin la courbe globale des ventes.

Références

[1] BADD fut créée à l'initiative de Patricia Pulling, dont le fils Irving se tua le 9 juin 1982. Pat Pulling se présenta par la suite, notamment à partir de 1987, comme une détective privée spécialisée dans l'occultisme et participa à de nombreuses affaires en tant que consultante. Parmi tous les documents concernant Pat Pulling et son association, on peut citer un rapport de Michael A. Stackpole à ce sujet.

[2] Plus d'informations sur cette étude de marché sur le site de Wizards, ou dans les archives de "The Escapist".

[3] Pour une comparaison entre les études de Wizards et de Ken Hite (Out of the Box d'avril 2002), voir cet article.

[4] Information extraite de l'interview de Geoffrey Picard, réalisée par Mathieu Cuenin, et disponible sur le site du forum Casus non-officiel, à cette adresse.

[5] Information issue de la liste de diffusion Blue Planet.

[6] L'article détaillé est disponible sur GamingReport.com à cette adresse.

[7] Voir l'opinion de Matt Forbeck sur le système d20 sur son site officiel.

[8] Monte Cook est l'un des créateurs du système d20 ; il a depuis créé sa propre société, Malhavoc Press. Lien vers son site officiel.